Voler sous le vent du relief

 

St Hilaire

Suite au tumbling de Michel Charpentier relaté dans ces pages, Hervé de Dianous nous a fait part d'une ancienne expérience mouvementée.

Récit :

Je voudrais vous raconter une expérience similaire de "locked in" dans la mâchoire de Jaws comme disent les surfeurs.

Saint Hilaire en milieu d'après midi, çà avait grimpé tranquille et tiède du tremplin jusqu'à la crête sans passer par le sud de la Dent, non, en direct :), un 40km/h nord-ouest faisait "la vague" au dessus de la crête sur cette gentille boursouflure bien large venant de sous le plateau, bref, un petit bonheur tranquille ....
Jusqu'à ce qu'évidemment ce douillet édredon ne décide d'aller faire un petit cul sur le déco bien loin en dessous, comme à son habitude vers 16-17h. A cet instant, le vent sus-sité se décide de suivre le même chemin, doucement au début, je passe juste sous la crête, et là, çà devient vraiment violent, la belle vague s'écrase en rouleaux bouillonnants.....
Merci le cyclone, cette aile est (était) vraiment hyper solide avec sa multitude de câbles, très maniable et hyper nerveuse.
Je m'aperçois que je risque vraiment de ne pouvoir passer le plateau et m'écraser sur icelui !
Imaginez, le clocher de l'église me regarde venir, je ne pourrai passer entre ce clocher et la gare du funi, je parie de passer entre le toit du chalet et les arbres à côté, çà passe tout juste, toujours en bousculant et au raz du déco parapente à la vitesse grand V ! Une fois passé, çà se calme un peu et direct à l'ancien attero en ligne presque droite !

Un vent froid qui dégringole, çà remue dingue !!!!
Avec mon Laminar-R, çà n'aurait pas passé :(
Je n'avais ni vario, ni radio, et les téléphones cellulaires n'existaient pas encore, quant au parachute, dans ces conditions, vaut mieux piloter que l'ouvrir, ç'aurait été pire ....

PS : Le Cyclone est au musée, smack mon doux ;)

RV2D qui rêve encore de re-voler

Témoignage du 10 octobre 2012


La Jarjatte

25 juillet 2009, décollage de Courtet à 16h30 pour un vol de 3h et prêt de 1200m de gain.
Une belle journée mais un fort vent de nord, d'où le choix de ce site abrité.

Le sondage de Lyon de 10h UTC relève à 1200m un vent au 340°, 11 noeuds.

Le relevé du jour par ballon-sonde ...emagramme de Lyon 25 juillet 2009

Emu par son vol, François-Dominique Menneteau en fait part à son ami et pilote local Eric Thomas :

Débile Devil

Salut,

Les 180 minutes qui ont précédé les trois de chute libre étaient magiques.
Je fus servi : la nappe de charriage (1), sans mentir, courant de la Tête de la Cavale au Grand Ferrand; l'aigle, royal, à 20m; un incroyable soaring sur la Tête de Vachères et les Aiguilles.
Tout ceci, à la surface des bulles.
Dessous ...

Le Diable existe, je l'ai rencontré.
Il a établi ses quartiers à la Jarjatte et a insidieusement nommé son Chaudron "altisurface", le salaud ! J'ai tenté de le contrecarrer et lui ai arraché sa faux. Du coup, je suis en rupture de montants. Je me suis écrasé dans un trou d'air, et un trou, cela ne se voit pas. Mon assistant, probablement déboussolé, a relevé -17m/s ... Quant au col de la Croix, il porte bien son nom.

Merci infiniment d'avoir descendu ma voiture.
Le retour fut très sympathique :
- des randonneurs revenant du Grand Ferrand,
- un catho qui n'a pas réussi à me convertir,
- le fils du boucher qui me ramasse dans le noir sans me dépecer.
Il a bien apprécié mes bières. Je crains que vous n'ayez osé vous servir.

J'ai quand même raté le feu d'artifice (2), quel dommage.

Bien à toi,

François-Dominique Menneteau

(1) : En fait, la discordance Sénonienne
(2) : C'était la fête à Mens.

Suivent les bons conseils d'un pilote chevronné :

Bonjour,

Je suis content de ce dénouement heureux de ta fin de vol.
Ne serait-il pas plus simple de considérer le vol dans sa globalité ?
Je m'explique : Le plaisir apporte jouissance et bonheur alors que la bataille amène parfois à rencontrer le diable…
En considérant qu’à force de la chercher on finit par le rencontrer (le diable) je préfère pour ma part l’éviter.
Ce qui se traduit en vol par le renoncement quand ce n’est pas comme je l’imaginais et souvent le retour au bercail avant le point de non retour.
Tout ceci pour alimenter ta réflexion de vieux vautour (pas encore déplumé) souvent engagé pas toujours rentré…

Amicalement.

Eric THOMAS

Analyse aérologique :
Si le vent météo converge avant le col de la Croix, provoquant une ascendance dynamique, il diverge ensuite. J'étais trop bas au dessus du plateau du Lauzon pour passer en sécurité par dessus ce replat et atteindre le col des Aurias. Du coup, je me suis bêtement jeté sous la dégueulante du col de la Croix, au surplus assez gavée de turbulences. Dans ce cas,il faut aller en face, sur les contreforts nord de la Tête de Vachères où l'on retrouve du dynamique, comme me l'a prouvé Hélène Toyer le 2 juillet 2011 et où je l'ai attendu tranquillement avant que nous allions nous poser aux Corréades.
Conseil : ne JAMAIS tenter de passer juste au dessus des arbres. Mieux vaut se cracher avant dans une manoeuvre désespérée que de mettre la barre dans les frondaisons et piquer à pleine vitesse vers notre "bonne vieille terre" (cf. Cpt. Haddoc, "On a marché sur la lune").

Comment je vois la convergence ascendante du vent à l'assaut du Col de la Croix.
Le vol à l'aller le long de la pente se fait dans une zone d'ascendance dynamique modérée.
Convergence du vent nord dans le col de la Croix, entre Tréminis et La Jarjatte (Dévoluy)

Comment je vois la divergence descendante après le franchissement du Col de la Croix.
Le vol au retour sous le Lauzon se fait dans une zone de descendance dynamique forte.
En face du Col de la Croix, le vent remonte vers la Tête de Vachères.
Divergence du vent nord dans le col de la Croix, entre Tréminis et La Jarjatte (Dévoluy)


Ma trajectoireTrajectoire de vol par vent nord sous le col de la Croix, entre Tréminis et La Jarjatte (Dévoluy)
Les points d'exclamation signalent le début de la grande dégringolade.
Les points jaunes cerclés de rouge : perte de contrôle de l'aile
Le point vert cerclé de rouge : le lieu où je voulais atterrir avant de me faire pousser violemment plus loin vers la haie que je franchirai de justesse avant de "tomber dans un trou d'air".


Le Pas de la Balme

19 avril 2010, décollage de St Hilaire à 15h pour un vol de 4h et 86km.
Le sondage de Lyon de 6h UTC reporté sur l'émagramme révèle au dessus de 1000m une forte instabilité jusqu'à 2900m. D'éventuels petits cumulus plats entre 2500 et 3000m.
Vent à 1500m : 350°, 10 noeuds - à 2000 : 340°, 14 noeuds.
Une journée printanière fumante comme on en rêve et un vent de nord qui incite à filer vers le sud pour faire un vol de distance.

Le relevé du jour par ballon-sonde ...emagramme de Lyon 19 avril 2010

Récit :

Je suis au travail et c'est la pause déjeuner. Je consulte le sondage (mesures) de Lyon et reste sur le cul (j'étais sur ma chaise, heureusement) : la première bulle qui déclanche monte à 2600m !

Compte à rebours: Il est 12h30. Il faut que je remette l'échelle enlevée hier et charge le delta. Je pourrai décoller vers 15h : c'est jouable !

C'est parti. St Eynard, Rachais. Après la transition vers le Vercors, je file plein sud sous les crêtes avant de passer au dessus vers le Stade des Neiges de Lans en Vercors. Arrivé face à la Grande Moucherolle, je ne peux passer côté Ouest. Je suis trop bas, c'est trop chaud. Je passe donc par le Sud sous la falaise, m'attendant à un fort rotor que je ne trouve pas. Tout va bien. Je compte de nouveau chevaucher la crête Urgonienne à partir du Pas de La Balme. Mais arrivé à ce pas, c'est la catastrophe. Je tombe comme un caillou, m'enfuis en m'écartant de la falaise, scrute désespérément les prairies, ne trouve rien de sûr à proximité sous moi. Juste une grande prairie plus au sud, très loin, après des lignes électriques. Au bord de la panique, indécis, je continu vers la crête boisée de la Ferrière au sud du col de l'Arzelier où j'ai déjà trouvé précédemment une bonne "pompe". Sauvé ! Arrivé à 80m au dessus des arbres, je reprendrai 1400m comme promis par le sondage et m'offrirai un survol du Mont Aiguille, à 300m sol comme imposé par la réglementation. Sublime !

Analyse aérologique :
La bordure Est du Vercors relevée canalise le vent nord vers le Pas de La Balme où il plonge dans une cascade turbulente. J'ai fui Sud-Est restant bêtement dans cette "dégueulante mouvementée", au lieu de revenir m'abriter sous la falaise plus au nord ou plus au Sud. Ensuite, la dégueulante venant de la Grande Moucherolle a dû prendre le relais.

Trajectoire de vol par vent nord sous La Grande Moucherolle (Vercors)

mise en ligne :
27 avril 2014