Ciel de traine... Ciel de records ! La plupart des records en vol libre sont effectués en situation météorologique
dite de traîne, c'est à dire dans la zone postérieure au
front froid d'une perturbation atlantique. Pourquoi les traînes sont-elles si souvent favorables au vol libre? C'est en raison du caractère instable des " masses d'air " qui les caractérisent. Il faut en effet se rappeler que les dépressions, qui sont toujours associées aux systèmes nuageux et pluvieux nommés perturbations (du front atlantique polaire), aspirent de l'air de tout côté tout en tourbillonnant (Cf Coriolis...). Sur la face Ouest de ces dépressions, les vents sont ainsi de secteur Nord-Ouest à Nord, c'est à dire qu'ils dirigent vers le Sud-Est ou le Sud des masses d'air qui ont séjourné un certain temps sur des régions polaires ou septentrionales. Au cours de ces séjours, l'air s'est alors refroidi sur toute son épaisseur. Dans leur voyage vers des régions plus méridionales, ces masses d'air survolent très généralement des sols ou des océans de plus en plus doux ( exception : continents recouverts de neige en hiver, souvent plus froids que l'air de traîne). Progressivement, les basses couches de l'atmosphère se réchauffent par contact avec la surface sous-jacente, puis par mélange turbulent sur une épaisseur de quelques dizaines ou centaines de mètres.. mais les couches plus élevées restent froides: l'équilibre de l'atmosphère devient alors " instable ", et des mouvements de convection se déclenchent... Les parapentes et deltas les utilisent pour monter! Toutes les traînes sont-elles bonnes pour le vol libre? Malheureusement, non! Certaines traînes sont trop "chargées" ou trop "actives", c'est à dire que la convection y est si forte qu'elle concerne toute l'épaisseur de l'atmosphère et que des averses ou des orages s'y déclenchent. C'est souvent le cas le premier jour de traîne, notamment au printemps, lorsque tombent les giboulées de Mars! D'autre part, ces nuages peuvent venir s'accumuler sur les montagnes bien exposées (Nord des Pyrénées et des Alpes) et le ciel est alors plus ou moins bouché...Il faut attendre que la convection ait bien brassé l'atmosphère et ait un peu réchauffé l'air des hautes altitudes pour que l'instabilité diminue et que les conditions s'améliorent. Il faut surtout attendre qu'un anticyclone arrive, par exemple sous la forme d'un prolongement du fameux anticyclone des Acores. Ces hautes pressions contribuent également beaucoup à diminuer l'instabilité grâce aux mouvements subsidents (faibles descendances) qui les accompagnent, et qui finissent par former une couche dite "d'inversion de température". Cette couche de réchauffement, d'abord à haute altitude (5000 m environ) s'abaisse en général au fil des jours vers 3000m (au bout de 1 ou 2 jours), puis vers 1000/1500m après plusieurs jours. Cette inversion se comporte généralement comme une couche de blocage de la convection: elle limite l'amplitude de nos chers thermiques et des Cumulus associés, et empêche donc leur surdéveloppement en gros méchants Cunimbs. C'est très bénéfique au début, mais le seul problème, c'est qu'au bout de plusieurs jours d'anticyclone, la convection est tellement limitée qu'elle devient faiblarde et qu'il n'y a plus de Cumulus... seulement des thermiques purs! Le créneau le plus valable pour le vol libre se situe donc généralement les deuxièmes et troisièmes jours de traîne après le passage d'un front froid. Une autre raison pour attendre un peu que les choses se calment avant de voler: le vent! Celui-ci est en effet souvent fort et de secteur Nord-Ouest le premier jour de traîne, lorsque la Dépression est encore à proximité, puis il diminue progressivement au fil des jours, tandis qu'il s'oriente progressivement Nord, voire Nord-Est en basses couches si l'anticyclone gonfle fort sur la Grande Bretagne. On a alors de bonnes chances d'espérer des conditions optimales de vol, avec de bonnes ascendances, régulièrement espacées, couronnées de beaux petits Cumulus, voire même alignées sous formes de rues si le vent est régulièrement croissant et ne change pas trop en direction avec l'altitude. C'est dans ce genre de situations, bien connues depuis des dizaines d'années par les pilotes de planeurs puis de deltas, que les plus beaux vols se font sur la majeure partie de la France... seul le Sud-Est peut-être un peu moins favorisé car le mistral peut encore être soutenu! Guy SENNEQUIERVol Libre Isère n°50 juin 1995 |